Lorsque Carl Orff composa Carmina Burana, en 1935, il ne pouvait pas se douter que cette cantate scénique inspirée de poèmes médiévaux allait acquérir une popularité aussi universelle, éclipsant tout le reste de son œuvre.
À ce jour, Carmina Burana demeure l’une des pièces du répertoire classique les plus connues du grand public, surtout grâce à l’utilisation de son chant initial, O Fortuna, au cinéma, que l’on a entendu, entre autres, dans le film Excalibur de John Boorman.
C’est en 1803 qu’un mystérieux manuscrit fut découvert au monastère bénédiction de Benediktbeuern, en Bavière. Il s’agissait d’un recueil de chants profanes et religieux en latin, en allemand et en vieux français parlant d’amour, du printemps et des plaisirs de la vie que sont la bonne chère, le vin et la fête.
Pour son cycle, Carl Orff a choisi 24 de ces chants regroupés en grandes parties se référant à des personnages ou des lieux. L’introduction, O Fortuna, invoque la déesse de la chance dans la mythologie romaine, qui revient dans la conclusion. Cruelle reine du monde, Fortuna y est dépeinte comme une roue impitoyable qui tourne en entraînant ses sujets dans un destin sur lequel ils n’ont aucun contrôle.
Les parties centrales se déroulent au printemps, dans les prés, à la taverne et dans les cours d’amours. Elles donnent lieu à de multiples scènes exprimant les joies et les peines de l’existence et présentent l’amour des points de vue masculin et féminin. Il en résulte une ambiance généralement festive et souvent teintée d’humour. On pense, entre autres, aux chansons à boire gaillardes et au cygne en train de rôtir sur la broche qui se lamente sur son sort.
Sur le plan musical, Carl Orff n’a pas tenté d’imiter ou de réimaginer la musique médiévale. Il a plutôt profité de cette découverte pour se réinventer. Jusque-là, ses compositions étaient influencées par la musique postromantique de Richard Strauss et de ses contemporains. Avec Carmina Burana, il vit une occasion de développer un style unique, basé sur des rythmes et des harmonies simples, qui tranchait radicalement avec la musique de son époque.
Dès sa première, à Francfort-sur-le-Main, le public adopta Carmina Burana, qui rejoint l’être humain dans ses dimensions les plus fondamentales et primitives. Il ne faut pas s’en étonner puisque Carl Orff, qui a révolutionné la pédagogie musicale en renouant avec les aspects physiques et dansants de la musique, a imaginé une œuvre viscérale et spectaculaire qui n’a jamais cessé d’inspirer les artistes de toutes disciplines depuis sa création.
Dans l’univers de la danse, Carmina Burana a connu de nombreuses adaptations au fil des années. Les Grands Ballets montèrent pour la première fois en 1966 la version du chorégraphe Fernand Nault, qui connut un succès fulgurant lors de sa présentation à l’Exposition universelle, une année plus tard. Plusieurs tournées et représentations s’ensuivirent, l’œuvre devenant l’une des plus célébrées du répertoire des Grands Ballets.