PIOTR ILITCH TCHAÏKOVSKI : Né à Votkinsk le 7 mai 1840, mort à Saint-Pétersbourg le 6 novembre 1893
La Belle au bois dormant, l’un des huit Contes de ma Mère l'Oye (1697) de Charles Perrault, a séduit l'imaginaire de douzaines de compositeurs, qu’on pense aux opéras de Humperdinck et de Respighi, aux cantates de Reinecke et de Raff, aux ballets de Henze et de Hérold, aux mélodies de Borodine et de Debussy ou à une musique de film de Poulenc, parmi bien d’autres. Mais la partition de Tchaïkovski les surpasse toutes, en ce qu’elle saisit parfaitement toute la beauté, la magie et le charme du conte de Perrault. Tchaïkovski lui-même la considérait d’ailleurs comme l'une de ses œuvres les plus réussies. Stravinski était du même avis, à une époque (début 20e siècle) où les mélomanes « sérieux » dédaignaient généralement Tchaïkovski. Depuis sa première représentation le 15 janvier 1890, au Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg, La Belle au bois dormant n’a jamais quitté le répertoire et demeure l'un des quelque cinq ou six ballets complets les plus aimés.
Selon le biographe John Warrack, « Tchaïkovski était, contrairement à tout autre compositeur de sa génération, parfaitement capable de faire d'un conte de fées pour enfants un chef-d'œuvre de théâtre musical dansé. Ses origines et son éducation lui avaient inculqué l’amour des contes français, qu'il associait à son enfance heureuse et à sa mère adorée. Plus tard, il se réfugiait dans ces souvenirs heureux pour s’évader de sa douloureuse existence, lui qui était si seul et si misérable. »
On peut qualifier de « symphonique » la musique de La Belle au bois dormant dans la mesure où, contrairement à la plupart des autres partitions de ballet du 19e siècle, elle possède une unité interne et organique issue de l'emploi de motifs principaux et d’une structure précise mais souple (par opposition à une succession de courtes pièces sans lien entre elles). Selon Warrack, « aucune de ses partitions ne possède plus remarquable flux de thèmes brillants, attrayants et mémorables, mais celle-ci y parvient en raison de la solidité de la structure ».
En 1888, le directeur du Ballet impérial de Saint-Pétersbourg, Marius Petipa, né en France, décide de monter un ballet inspiré du conte de Perrault. Il en confie la musique à Tchaïkovski et le livret au directeur des Théâtres impériaux, Ivan Vsevolozhski, qui se basera à la fois sur le conte de Perrault et sur une version ultérieure du conte (Dornröschen) par les frères Grimm. Vsevolozhski conçoit aussi les costumes et la fille de Petipa, Marie, interprète la Fée des lilas. La collaboration entre le chorégraphe Petipa et le compositeur Tchaïkovski ressemble beaucoup à la façon dont les compositeurs de trames sonores travaillent aujourd'hui, le compositeur suivant les instructions écrites du réalisateur et / ou les repères visuels du film lui-même. En voici un exemple typique : « De 16 à 24 mesures menant vers un autre tempo. À l’arrivée d’Aurore, 32 mesures en 2 / 4, joyeuses et charmantes, se terminant par 16 mesures forte en 6 / 8. »