La magie, le mystère et la beauté évanescente sont autant de caractéristiques qui reflètent la période du ballet romantique (de 1832 à 1850 environ). Les thèmes de ces ballets abordaient les tourments de l’âme, confrontée à l’angoisse et aux désirs, l’opposition entre l’humanité et la nature, et entre le monde réel et le monde immatériel, avec des histoires mettant en scène des créatures spirituelles comme les sylphides et les wilis — les âmes de ces jeunes fiancées mortes avant leurs noces, trahies par leurs amants.
Le ballet blanc est apparu pour la première fois dans le ballet romantique du XIXe siècle. Représentant le monde spirituel dans les seconds actes de La Sylphide (1832), de Giselle (1841) et du Lac des cygnes (1877), les ballerines en tutus blancs incarnaient des beautés alanguies, en quête d’un amour inaccessible qui fleurit au-delà de la tombe. La tradition du ballet blanc s’éloigne radicalement des danses nationales de l’époque, « considérées comme des divertissements interchangeables », selon l’historienne Lynn Garafola.
Les ballerines incarnant des sylphides et autres créatures éthérées étaient vêtues de longues robes en mousseline blanche ou tutus, avec plusieurs rangées superposées de tulle, montées sur un justaucorps. Les tutus ajoutaient une touche essentielle à l’univers immatériel des wilis, baignant dans une atmosphère surnaturelle. Leur blancheur diaphane évoque le reflet de la lumière de la lune. Porté par l’ensemble du corps de ballet, ce costume emblématique fut immortalisé par la suite dans de nombreuses gravures de l’époque.
L’auteur et critique de danse Robert Grescovic remarque que le costume de ballet « a changé de façon inaltérable avec l’avènement de la robe de sylphide de Marie Taglioni ». On dit que la ballerine, qui a conquis le public dans La Sylphide, ballet chorégraphié par son père Filippo Taglinoni, raccourcissait ses jupes, son ourlet tombant entre le genou et la cheville. Son tutu vaporeux conférait une qualité éthérée et flottante à ses mouvements, comme si, toute en légèreté, elle s’envolait littéralement pendant sa prestation, en mettant bien en évidence son excellent travail sur pointes et sa technique sans trace d’effort.
Texte de Philip Szporer