Le monde est dominé tour à tour par deux principes contraires : le Bien et le Mal, le Yin et le Yang, la Vie et la Mort. Tout univers est gouverné, façonné par la dualité de deux forces opposées mais complémentaires à la fois qui établissent l’équilibre et l’harmonie des énergies. Les contraires sont corrélatifs et par conséquent inséparables. Il faut donc mourir pour renaître.
Pour créer La Jeune Fille et la Mort, Thoss s’est inspiré de ces principes ainsi que des quatre éléments : l’eau qui nous abreuve, l’air que nous respirons, le feu qui nous réchauffe et la terre qui nous nourrit. Parler de ces quatre éléments, c’est parler de la même énergie, qui se présente sous quatre aspects différents : elle est Terre quand elle est sous sa forme minérale, elle est Eau quand elle fond, Air quand elle s’élève et Feu quand elle est excitée. Au fil du temps, les quatre éléments naissent, vivent, engendrent et meurent — et, comme la Jeune Fille, se transforment.
De Philip Glass
©2002 Dunvagen Music Publishers Inc.
Utilisé avec autorisation.
Par Philip Glass
De Finnbogi Petursson
Publié par Touch Music
www.finnbogi.com
De Christopher Young
De Trent Reznor & Atticus Ross
De Trent Reznor & Atticus Ross
De Rachel Portman
De Nick Cave & Warren Ellis
De Clint Mansell
D'Alexandre Desplat
Composé par Franz Schubert
Version pour orchestre à cordes par Gustav Mahler
De l’album Six Breaths
De Ezio Bosso
Tel le dramaturge qui réalise une pièce de théâtre à partir de quelques personnages glanés ici et là dans des mondes divers pour les réunir ensuite dans un espace créé de toutes pièces, voilà comment se construit ma création La Jeune Fille et la Mort. La chorégraphie sur la mort et « ma » Jeune Fille est à l’image de la vie, y associant les symboles de la vie — l’eau, l’air, le feu et la terre. L’identification avec ces quatre éléments fait appel chez tout humain à un langage corporel propre, faisant référence par là même aux périodes de la vie. Nous nous efforçons sans répit de croire à nos rêves, de faire confiance à nos aspirations et de donner un sens à notre vie.
N’existe-t-il pas dans l’espoir, dans l’amour, une quiétude qui permet de mener à bien les combats et d’atteindre du mieux possible une forme d’accomplissement durant une vie? Quel qu’il soit, son nom — la mort — ne nous dit pas grand-chose d’elle. C’est une des expériences les plus essentielles de l’existence humaine, tout débouche sur elle. Elle est l’événement qui arrivera avec une certitude absolue.
Cependant, c’est à peine si notre entendement parvient à la saisir, comme si nous restions d’éternels spectateurs. Des siècles et des siècles d’approche historico-culturelle de la mort, les milliers de questions de philosophes et d’écrivains ne l’ont pas débusquée de son funeste repaire — comme si toutes ces questions n’atteignaient pas son essence et ne faisaient que l’effleurer — elle peut ainsi rester postée derrière nous dans son lourd et sombre manteau.
La nécessité de se préoccuper de la mort et de lui faire face sous-entend en même temps que l’on fait face à la vie. La vie et la mort peuvent être considérées comme un ensemble. Tout comme l’été a besoin de la fraîcheur de l’hiver et le jour du calme de la nuit et tout comme nous devons inspirer et expirer pour survivre, la vie ne peut se passer de la mort. En effet, sans la mort il ne peut y avoir de nouvelle vie, comme le veut le cycle de la nature du devenir et du déclin. C’est un équilibre créé par la nature auquel nous sommes associés et qui nous soumet quotidiennement à de petites expériences de la mort. Ne nous arrive-t-il pas de vouloir quand même prendre plusieurs inspirations de suite, comme si la vie à l’état pur pouvait se passer du bienfait de l’expiration?
Aussi simple que cela puisse paraître, la vie ne nous offre la chance de vivre sans angoisses que si nous voyons la mort comme totalement incorporée à la vie et non comme quelque chose d’éloigné, tâche funeste, sombre et noire au terme de la vie. Il importe peu à la mort que nous en ayons peur ou non. Mon nouveau ballet quant à lui dit « oui » aux deux. Or, le moment n’est pas venu de mourir mais plutôt de vivre passionnément, d’aimer et de danser, tantôt avec elle, tantôt sans elle.
— Stephan Thoss
En créant La Jeune Fille et la Mort, Stephan Thoss a choisi de jeter un nouvel éclairage sur la mort. « Normalement, la mort est quelque chose de mauvais, telle une ombre noire qui se profile à l’arrière-plan. Nous sommes en sécurité lorsque la mort est vraiment éloignée de nous. Lorsqu’elle s’approche, nous commençons à trembler. Mais mon idée, c’était de montrer que la mort fait partie de la vie ». S’inspirant du concept oriental du ying et du yang, Thoss a exploré l’idée d’une dualité intrinsèque, comme le blanc et le noir, dans tous les aspects de la vie. « Inspirer donne la vie, expirer s’apparente à mourir. Le jour, nous nous réveillons; la nuit, nous dormons. Le sommeil procure un avant-goût de la mort. Les saisons sont semblables : l’automne et l’hiver renvoient au sommeil, le printemps et l’été à l’éveil. Nous avons besoin d’un équilibre entre ces deux éléments. Quand nous saisissons que la mort fait partie de la vie, nous la craignons beaucoup moins ».
Parfois, explique Thoss, nous sommes en sécurité auprès de la mort, plus que nous ne le serions en son absence. « Quand le temps de mon départ sera arrivé, la mort sera là pour m’emporter. Si je côtoie le sommeil, la nuit et l’hiver, je côtoie la mort ».
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« Il y a longtemps que j’ai terminé la pièce », dit Thoss. Il explique qu’à Dresde, où il s’est établi, il passait des heures et des heures à écouter de la musique, à faire le croquis de petits bonshommes allumettes sur des feuilles de papier — son système de notation personnel — et à planifier la structure du ballet. Il a choisi l’endroit précis où seraient placées les tables, les portes et les fenêtres; le nombre de danseurs qui occuperaient la scène à un moment particulier; et la manière exacte dont ils allaient bouger. Lorsqu’il est arrivé à Montréal, il était bien préparé. Puis, il est entré dans le studio afin de travailler avec les danseurs et il a commencé à apporter des changements — plusieurs changements — à son ballet. À un mois de la première, il lui restait encore la moitié du ballet à retravailler, ce qui signifiait qu’il devait achever trois minutes de sa chorégraphie par jour. « C’est un peu stressant », avoue-t-il, avec un sourire contrit.
« C’est bien d’être très préparé, affirme Thoss, mais sans que les choses soient fixées dans le béton. C’est important d’être décontracté et flexible ». Comme il apporte des changements au ballet dans le studio durant les répétitions, les danseurs se sentent impliqués, ils ont le sentiment de contribuer à la chorégraphie.
Un jour, Thoss a aperçu à l’arrière du studio une danseuse en train d’improviser et de capter précisément l’émotion que la musique communiquait. Quand il a intégré les mouvements de la danseuse au ballet, celle-ci a réalisé qu’elle l’avait inspiré et elle en était ravie. Ainsi que l’exprime Thoss, « ce processus est très beau. À la fin, vous obtenez une pièce qui est créée pour cette compagnie et avec elle ».
Shelley Pomerance — journaliste, conférencière et animatrice des causeries
Philip Glass, Franz Schubert et autres morceaux choisis