Dès que l’on se rassemble pour parler de Mozart, la conversation regorge invariablement de superlatifs. Le plus grand compositeur de son époque. Il maîtrisait toutes les formes de musique : opéra, symphonie, concerto, musique pour piano, musique de chambre, musique chorale… tout! Il était le meilleur pianiste et organiste d’Europe. S’il avait voulu, il aurait aussi pu être le meilleur violoniste. Depuis son avènement, Mozart a probablement insufflé admiration et inspiration à plus de compositeurs que tout autre homologue, à l’exception peut-être de Bach et de Beethoven. Il a commencé à jouer du clavecin à trois ans. Il composait de la musique alors que les autres enfants apprenaient encore à faire des châteaux de sable : une courte pièce pour piano à l’âge de cinq ans, des symphonies dès ses neuf ans et des opéras complets à ses douze ans. Il faisait preuve d’une rapidité et d’une dextérité impressionnantes au moment de composer, produisant un répertoire d’environ 700 compositions en près de 30 ans.
On aurait tendance à croire qu’un individu aussi doué n’aurait aucune difficulté à bien gagner sa vie à la cour ou à l’église. Mais tel ne fut pas le cas. Il n’a jamais trouvé de travail, non pas faute d’avoir essayé. Mozart était terriblement malheureux à la cour de Salzburg, sa ville natale, où il était maigrement payé et grandement sous-estimé. En 1781, il a pris la décision courageuse de s’établir à Vienne sans offre d’emploi et avec la simple intention de travailler de façon indépendante, un concept alors naissant pour l’Europe du 18e siècle. C’est là, dans les dix dernières années de sa vie tragiquement courte, que Mozart a composé la grande majorité des chefs-d’œuvre pour lesquels il est le plus connu.
Ses compositions, étant à la musique ce qu’est Shakespeare à la dramaturgie, semblent puiser dans l’essence même de la musique. Elles savent exactement comment atteindre nos esprits, nos cœurs et éveiller nos sens. Toutes ces mélodies ravissantes, la perfection de la forme, les surprises harmoniques, les touches inhabituelles de couleur instrumentale, le portrait impeccable des personnages (dans les opéras), le sens de la spontanéité et la fraîcheur… Sans parler de la gamme d’émotions qu’il nous fait vivre, de la grâce naturelle d’Eine kleine Nachtmusik à l’angoisse et au désespoir de la Symphonie no 40 en sol mineur, en passant par la paix sereine du mouvement lent du concerto pour piano no 21 et la joie festive de la finale de la Symphonie no 41, Jupiter.
Sa musique est souvent d’une sublime simplicité, mais parfaitement construite au point de s’exclamer, tel Salieri dans le film Amadeus : « Déplacer une seule note; on allait vers l’amoindrissement. Déplacer une seule phrase; on aurait vu la structure s’effondrer. » Ce qu’il y a de plus remarquable, c’est qu’il n’est pas nécessaire de s’y connaître en musique pour aimer celle de Mozart, il suffit de l’écouter. Du vrai génie!
Notes de Robert Markow
Voici ce que le spécialiste Maynard Solomon a à dire sur l’orthographe du second prénom de Mozart (tiré de Mozart: A Life, publié en 1995, p. 227) :
Le lecteur des lettres du compositeur a tôt fait de s’habituer aux nombreuses variations auxquelles celui qui a été baptisé Joannes Chrysostomus Wolfgangus Theophilus Mozart soumet son propre nom, apparemment pour le simple plaisir de la chose. Ainsi, nous ne sommes point surpris de trouver des variantes de son nom de famille comme « De Mozartini », « Mozartus » ou encore « Mozarty ». Cela dit, les spécimens particulièrement anagrammatiques « Trazom » et « Romzntz » ont de quoi nous faire sursauter. Le nom « Wolfgang », ou « Gangflow » à l’occasion, a quant à lui subi peu de transformations. C’est plutôt le dernier des prénoms de Mozart, Theophilus, qui a été le plus souvent métamorphosé. Dans une lettre à son éditeur d’Augsburg peu après la naissance de son fils, le 27 janvier 1756, Leopold Mozart écrit : « Mon fils s’appelle Joannes Chrisostomos Wolfgang Gottlieb », traduisant ainsi le nom grec « Theophilus » à l’allemand, « Gottlieb ». Cette forme a été préservée comme « J.G Wolfgang Mozart » sur les premières œuvres publiées de l’enfant portant un numéro d’opus. À partir d’environ 1770, Mozart s’est souvent présenté comme Wolfgango Amadeo Mozart, mais c’est en 1778 qu’il a adopté sa variante favorite, presque demeurée intact : Amadè ou Amadé. Il s’est même parfois surnommé Amadi, ou encore Amadeus, version latine qu’il a utilisée pour la première fois en 1774 dans l’une de ses plaisanteries à sa sœur. (L’adoption presque universelle de la forme Amadeus est un processus posthume qui, je crois, fut principalement provoqué par le tirage important d’Oeuvres complètes de Wolfgang Amadeus Mozart [1798-1806] par Breitkopf & Härtel et, j’ajouterai [moi, Robert Markow], par le film Amadeus de Milos Forman.)
De plus, veuillez noter que la fameuse signature reproduite sur plusieurs livres, feuillets, enregistrements, notes de programme et autres documents comporte le nom Amadè, avec l’accent grave.