Depuis maintenant plus d’un demi-siècle, Rodion Chtchedrine (qui fêtera son 90e anniversaire le 16 décembre 2022) se classe parmi les plus importants compositeurs de Russie. Alors que ses illustres homologues contemporains d’origine russe Sofia Gubaidulina, Alfred Schnittke et Edison Denisov ont choisi d’émigrer il y a longtemps, Chtchedrine, lui, demeure fortement lié à sa patrie. Il a su créer un corpus d’œuvres qui se rapproche des expérimentations stylistiques contemporaines occidentales, et ce, sans transgresser les directives artistiques approuvées par le régime. Dans les années 1960, il a même joué avec l’atonalité, le sérialisme ainsi que la musique aléatoire, techniques pour lesquelles la plupart des compositeurs se seraient fait sévèrement critiquer. Durant les années de plein contrôle du régime, il était connu comme « l’emblème du modernisme » de l’Union soviétique, du moins en Occident.
Chtchedrine se fait surtout connaître en occident pour Carmen Suite (1976), une spectaculaire musique de ballet pour cordes et percussions de toute sorte inspirée de l’opéra de Bizet et écrite pour faire rayonner sa femme, Maïa Plissetskaïa, ballerine de renommée. Ses autres ballets comprennent Le petit cheval bossu (1956), Anna Karenina (1971, d’après Tolstoy) et La mouette (1979, d’après Chekhov). Chtchedrine a composé sept opéras, dont Lolita (1993, d’après le roman controversé de Nabokov) et, plus récemment, Un conte de Noël (2015, d’après un conte de fées). Il a également composé trois symphonies, six concertos pour piano, cinq concertos pour orchestre (la première de chacun ayant été présentée dans différentes villes étrangères : Varsovie, New York, Chicago, Tokyo et Londres) et plusieurs autres concertos pour instrument solo, incluant un double concerto pour piano et violoncelle (2011) interprété en première par Martha Argerich et Mischa Maisky. Son œuvre compte également de la musique de chambre, de la musique chorale et de la musique pour piano, dont un ensemble de 24 préludes et fugues inspirés de compositions de genre semblable de Bach et de Shostakovich.
Dans Soviet Composers and the Development of Soviet Music (1970), en référence à la musique de Chtchedrine, Stanley Krebs parle de « maîtrise technique impressionnante, d’intérêt pour les sons purs, de recours au style folklorique, d’harmonie éclectique, d’évitement d’introspection et de profondeur formelles, d’accent démesuré sur la musique à programme et les genres vocaux symphoniques et d’intention claire de communiquer avec le grand public. »
Dans le répertoire des Grands Ballets :
De 1973 à 1990, Chtchedrine a présidé l’Union des compositeurs soviétiques. À la maison comme à l’étranger, il a récolté une liste impressionnante de prix et d’honneurs, dont le prix d’État de l’URSS (1972), le prix Lénine (1984) ainsi que le prix d’État de la Fédération de Russie (1992). Un astéroïde a même été baptisé en son honneur : l’astéroïde 4625 Shchedrin.
Notes de Robert Markow