Depuis bien au-delà d'un siècle, Brahms (1833-1897) est l'un des grands compositeurs les plus aimés, et sa popularité auprès du public d'aujourd'hui ne fait aucun doute. Chacune de ses vingt-quatre œuvres de chambre a gagné sa place au soleil. On ne peut en dire autant de quelque autre grand compositeur que ce soit, y compris Beethoven. Dans le domaine purement symphonique, il n'aura signé qu’une douzaine de compositions - quatre symphonies, quatre concertos (deux pour piano, un pour violon, et un rare cas de double concerto pour violon et violoncelle), deux sérénades, deux ouvertures, et les Variations Haydn - mais là encore, chacune est un chef-d'œuvre, et un des piliers du répertoire. Bien qu’il n’ait pas écrit d'opéra, il fait partie, avec Schubert et Schumann, des grands créateurs de lieder du 19e siècle. De même, en musique chorale, presque toutes ses compositions sont d’exceptionnels chefs-d'œuvre. Cette singulière régularité dans sa production s’explique en partie par son sens aigu de l’autocritique. En effet, il consultait régulièrement amis et collègues, en particulier Clara Schumann, Joseph Joachim, Elisabeth von Herzogenberg et Theodor Billroth, et détruisait tout ce qui ne correspondait pas à ses rigoureuses normes personnelles.
Pourtant, et plutôt étrangement, Brahms a souvent fait l’objet de doutes et de préjugés au cours de sa vie et pendant une bonne partie du 20e siècle. Certains voyaient en lui un réactionnaire, un classique à la dérive dans un océan de romantisme. La « musique de l'avenir » était alors le fait de créateurs tels que Liszt, Wagner et Richard Strauss alors que pour plusieurs, Brahms était enlisé dans les conventions musicales du passé. Pourtant, sur le plan émotionnel, il était aussi romantique que n'importe lequel de ses contemporains. La passion ardente, la douloureuse mélancolie et l’expression profondément personnelle sont aussi prononcées chez lui que chez d’autres représentants du grand romantisme, tels que Berlioz, Liszt ou Wagner.
Bien qu’il soit né en Allemagne, Brahms a passé la plus grande partie de sa vie professionnelle à Vienne, la Mecque de la musique. À sa mort, sa ville d'adoption lui a offert les funérailles les plus grandioses de son histoire et Hambourg, sa ville natale, a mis les drapeaux en berne.